travail et salariat

Critiquer la société capitaliste, c’est bien, réclamer un autre monde possible, c’est légitime, mais tout cela restera incantatoire si nous ne disons pas ce que cet autre monde sera.

Site créé par Christian TIREFORT et Eric DECARRO pour publier leurs analyses, il accueille également celles de la branche suisse du réseau salariat. Le premier en fut le président jusqu’à son décès survenu le 14 décembre 2022.

Septième conférence ministérielle de l’OMC

Quels sont les enjeux ?

dimanche 11 octobre 2009 par Christian Tirefort, Eric Decarro

Contrairement aux idées reçues, les normes actuelles du commerce mondial ne renforcent pas les échanges en général, mais elles n’avantagent que les grands opérateurs internationaux. Les projets de l’OMC (Organisation mondiale du Commerce), connus sous le terme Cycle de Doha, renforceront encore la tendance. Tout semble comme si la crise n’avait rien changé.

Du 30 novembre au 2 décembre 2009 se tiendra à Genève la 7ème conférence ministérielle de l’OMC sur le thème général « L’OMC, le système commercial multilatéral et l’environnement économique actuel ». Cette conférence coïncidera avec le 10ème anniversaire du sommet de Seattle qui avait marqué les débuts – et une victoire - du mouvement altermondialiste.

Nous ne savons pas encore s’il s’agira d’une rencontre purement formelle ou d’une véritable séance de négociations visant à boucler le cycle de Doha. Cet objectif a été réaffirmé dans le communiqué final du dernier G20.

Nous devons néanmoins nous préparer à toute éventualité : les dirigeants réunis en juillet lors du sommet du G8+ se sont en effet accordés sur la nécessité de conclure Doha d’ici 2010 ; de plus, lors du sommet du G20 de Londres, les gouvernements se sont engagés à « lutter contre le protectionnisme ». Il est possible qu’ils passent des paroles aux actes, malgré - ou à cause - de la crise. Enfin, Pascal Lamy, directeur général de l’OMC, multiplie les initiatives en coulisse pour parvenir à un accord renforçant la libéralisation du commerce mondial par une ouverture des marchés et un abaissement général des tarifs douaniers sur les produits agricoles, les produits industriels et les services.

C’est pourquoi une mobilisation à Genève contre l’OMC et contre l’ouverture du commerce mondial dans les conditions capitalistes à l’occasion de cette conférence ministérielle est d’une importance stratégique. Les paysans indiens, soutenus pour la 1ère fois par des syndicats des villes, ont organisé une grande manifestation à New Delhi, début septembre, lors des négociations sur le commerce..

Une conférence ministérielle en pleine crise mondiale

Cette Conférence se tiendra dans le contexte d’une crise économique et financière mondiale, marquée - notamment - par une chute des échanges internationaux en 2008-2009.

Pascal Lamy fait ainsi valoir que la relance du commerce international est indispensable pour sortir de la crise actuelle et relancer la croissance mondiale. Pour lui, « attendre la fin de la crise pour conclure le cycle de Doha signifierait priver l’économie mondiale d’un puissant stimulant de la reprise » économique. Il souligne en outre que les gouvernements devraient s’élever contre les tentations protectionnistes qui résultent parfois de la crise financière mondiale. [1]

Le 29 avril dernier devant le Conseil général, lors de la présentation de sa « Vision pour l’OMC dans les quatre prochaines années » Pascal Lamy a déclaré : « Le renforcement du système commercial multilatéral, en particulier grâce à la conclusion du cycle de Doha, devrait être la lumière qui nous guide. Dans la constellation de la gouvernance mondiale, oeuvrons ensemble pour que l’étoile de l’OMC brille davantage ». Ces déclarations figurent sur le site de l’OMC [2]

Durant la célébration du 450ème anniversaire de l’Université de Genève, celle-ci a remis le titre de docteur honoris causa à Pascal Lamy (en même temps qu’à Mary Robinson et Desmond Tutu). A cette occasion, le directeur général de l’OMC a déclaré : « La mondialisation et l’ouverture commerciale peuvent promouvoir les droits de l’homme ». Et d’ajouter : « La mondialisation et l’ouverture commerciale peuvent jouer en faveur de la réalisation universelle des droits de l’homme, qu’il s’agisse des droits civils et politiques ou des droits économiques et sociaux ».

Le directeur général de l’OMC est décidément très habile : tel un caméléon, il s’adapte à tous les publics pour répéter un seul et même message : la conclusion du cycle de Doha est la panacée, la solution à tous nos maux !

Aucun des arguments avancés par le directeur général de l’OMC ne résiste pourtant à un examen sérieux. C’est de la pure propagande idéologique !

Les implications réelles du cycle de Doha

Les milieux dominants sont enfermés dans leur système. Ils disent vouloir le réformer, mais ils ne réussissent qu’à le retoucher sur un plan cosmétique au prix de fortes contradictions politiques. Les exemples foisonnent : le salaire des PdG, les codes de bonne conduite des banques, la régulation des banques, les paradis fiscaux, le secret bancaire, etc. L’essentiel de cette cosmétique consiste cependant à reporter sur le dos des collectivités les conséquences de la crise déclenchée par l’affaire des subprimes. La prise en charge par les Etats nationaux des actifs toxiques des banques paraît particulièrement scandaleuse, mais elle prend l’allure de l’arbre qui cache la forêt. Celle-ci, c’est l’explosion de la dette publique qui entraînera et justifiera la mise en cause des systèmes sociaux dans leur essence [3] ; c’est aussi la montée du chômage, les pressions encore accrues sur les salaires, l’exclusion sociale, ce que certains appellent la crise sociale. [4]

Selon la fraction dominante de la bourgeoisie le sauvetage du système passe par la libéralisation du commerce mondial dans les conditions capitalistes, ce qui va de pair avec la libéralisation de la circulation des capitaux. Pascal Lamy ne dit pas autre chose lorsqu’il se plaint des problèmes de financement que rencontre le commerce international dans la crise financière actuelle et déclare « c’est l’investissement qui permettra à de nombreux pays en développement de préparer la sortie de crise en renforçant leur capacité commerciale » (l’investissement capitaliste s’entend).

Ces prétentions laissent entendre que le capital investi serait directement lié à l’activité sociale, alors qu’il ne fait que la vampiriser. Le capital directement investi dans l’activité sociale réelle ne représente aujourd’hui qu’une infime partie (un cinquantième disent certains économistes) du capital global. Le reste flotte dans le vide à la recherche d’occasions de placements rentables. C’est du capital purement spéculatif, mais il pèse lourdement sur l’activité sociale, il la plombe pour en capter le moindre surplus et alimenter ainsi les immenses accumulations. L’essentiel de celles-ci est du capital financier qui agit sur un plan mondial, il domine et asservit l’économie dite réelle, il place ses priorités, la loi du profit prime face à la réponse aux besoins des populations. Le modèle de commerce proposé dans le cycle de Doha étouffe la planète et menace l’avenir de l’humanité.

La relance du commerce mondial que préconise Lamy est présentée comme un pan essentiel de la stratégie de sortie de crise de la fraction dominante de la bourgeoisie. Le deuxième pan est ce qu’on appelle la relance. Le but est une sortie de crise basée sur le redressement rapide de la rentabilité du capital. Il s’agit donc, pour la bourgeoisie, d’offrir de nouvelles zones de profit au capital. C’est le but principal du cycle de Doha.

Derrière la relance de ce cycle se cache en réalité l’idée que la crise systémique actuelle est essentiellement due à la non-libéralisation du commerce mondial. Il y a refus de voir la problématique des classes : d’un côté un appauvrissement des « consommateurs », de l’autre une concentration de la richesse en très peu de mains. Cette cécité se fait au profit de la énième réaffirmation que le commerce mondial ne serait pas assez libéré. La réalité, c’est-à-dire que la libéralisation du commerce mondial ne profite quasiment qu’aux multinationales, aux intermédiaires commerciaux et aux grands établissements financiers, est superbement ignorée. Ceux-ci sont maladivement à la recherche des prix de production les plus bas, ce qui tue l’activité productive en la concentrant dans les zones à bas salaire et favorise la captation de la richesse mondiale par les seuls acteurs multinationaux.

La relance du cycle de Doha participe de la croyance quasiment religieuse aux vertus du rapport marchand. Elle induit un renforcement de la concurrence entre les capitalistes ; celle-ci débouchera sur une concentration du capital accrue, et un renforcement de l’influence des propriétaires de ce capital mondialisé sur les structures politiques de l’ensemble des Etats/Nations. Il s’agira plus que jamais pour les grands groupes de comprimer au maximum les coûts, en particulier salariaux et fiscaux et, à cette fin, d’intensifier dans le monde entier l’exploitation des salarié-e-s qui trouveront un emploi. Les petits producteurs, à savoir les petits industriels, les paysans et les artisans devront, pour les premiers travailler dans les conditions des multinationales, pour les seconds disparaître au profit des grandes exploitations agricoles « monoproductrices » et tuant la diversité génétique, pour les troisièmes être condamnés à végéter dans les niches les moins rentables.

Tous les capitalistes sont aujourd’hui engagés à la fois dans des luttes sans fin contre les confrères pour gagner des parts de marché et à la recherche de taux de profits supérieurs à ceux de leurs concurrents. Cette lutte pour le profit est en même temps pour eux une lutte pour la survie de leur capital. Cette logique, qui est une logique du système, contraint tous les Etats à renforcer leur compétitivité, cela à tous les niveaux et par tous les moyens. Ils doivent créer en leur sein des conditions cadre procurant au capital des taux de profit au moins égaux à ceux des pays dits « les plus compétitifs ». C’est la condition pour garder ou attirer les investisseurs. Les salarié-e-s, mais aussi les petits industriels, les paysans et les artisans du monde entier sont aujourd’hui victimes des effets particulièrement violents de cette concurrence inter capitalistes.

Outre que ces processus accentuent les pressions sur les emplois, les salaires, les conditions de travail, le fait que tout devienne marchandise soumise à concurrence change les fonctions des assurances sociales et des services publics. Ces derniers ne sont désormais plus considérés comme des prestataires de services dont tout le monde, quel que soit son revenu, peut bénéficier, échappant ainsi partiellement au rapport marchand, ils deviennent des producteurs de biens marchands à l’intention des seules personnes solvables, ce qui mène aux privatisations.

En comparaison internationale cette ouverture commerciale aura plus de conséquences dans les pays où les revenus du travail sont relativement élevés, d’autant plus que les processus de délocalisation des entreprises vers les pays à bas salaires s’intensifieront, ce qui mettra en cause tant les salaires élevés que les protections sociales qu’ils rendaient possibles. Cela n’améliorera pas pour autant la situation des travailleurs des pays à bas salaires. Bien au contraire, la baisse de la demande dans les pays dits développés rétrécira les marchés entraînant du même coup une concurrence accrue entre ces pays eux-mêmes, l’enjeu étant de maintenir des niveaux de salaires compétitifs, donc encore plus bas que ceux des pays comparables, les concurrents les plus proches, tout cela pour attirer les multinationales et leur capital.

Un tel processus conduit inexorablement à un énorme transfert de richesses du travail vers le capital opérant au plan mondial, celui-ci entendant capter sous forme de profits exceptionnels tant la différence de coût du travail entre les pays que les différences de pouvoir d’achat entre les pays ou [5] régions lors des processus de vente. Ces processus aggraveront le chômage et les inégalités sociales dans le monde entier, ils sont le terreau sur lequel mûriront des conditions de crises de plus en plus violentes.

La libéralisation du commerce mondial dans les conditions capitalistes contribuera donc à exacerber les contradictions à l’origine de la crise actuelle − en particulier la difficulté de vendre et ce que cela signifie, les ruptures dans la réalisation en profit de la plus-value provenant de l’exploitation du travail au plan mondial, avec les problèmes de rentabilité du capital que cela suppose. La bourgeoisie crût un moment résoudre ces contradictions par une consommation basée sur l’endettement des ménages. Les Etats-Unis avaient joué le rôle d’immense laboratoire qui tira la croissance dans le monde entier, ils y avaient joint une « imagination » sans borne dans le développement d’une véritable « industrie financière » et de nouveaux produits financiers strictement spéculatifs. La crise des subprimes les fait aujourd’hui déchanter, mais ils n’en tirent aucune leçon, ils reviennent aux recettes « classiques » qui avaient déjà échoué. .

Le nouveau pas dans l’ouverture commerciale proposée dans le cycle de Doha ne favorisera pas le développement des pays les plus pauvres, il l’étranglera encore davantage, cela au profit d’un capital de plus en plus concentré, et de plus en plus hors sol. Dans toute compétition, commerciale ou autre, les plus forts l’emportent toujours.

Lamy le prétend, l’ouverture du commerce mondial favoriserait les droits universels des humains. Il faut être aveugle - ou parfaitement cynique - pour propager cela au moment où l’on ferme les frontières des pays riches aux migrants, qu’on les enferme dans des camps de rétention, qu’on relègue des millions d’êtres humains dans des camps de la misère qui tendent à devenir des espaces de vie permanents. La libéralisation de la circulation des capitaux et des marchandises va en effet de pair avec une multiplication des entraves à la circulation des êtres humains et une négation de leurs droits les plus élémentaires.

Effets prévisibles de l’ouverture du commerce, en particulier dans les pays du Sud

On peut l’affirmer sans crainte de se tromper, la relance du commerce mondial.

continuera d’éliminer tant la petite production industrielle que la production agricole de proximité et de subsistance des pays du Sud. Concurrencées par l’agriculture industrielle fortement subventionnée des pays riches et par les produits des pays industrialisés (y compris ceux des pays émergents) la production des pays les plus pauvres continuera à être confinée dans les créneaux les moins rentables.

renforcera les atteintes à la souveraineté alimentaire, en particulier dans les pays du Sud. Cela entraînera des crises alimentaires récurrentes. En effet, le modèle préconisé par le cycle de Doha est basé sur la croissance par les exportations à destination des pays riches alors que l’alimentation des populations autochtones est loin d’être assurée. Ce modèle contribuera certainement à affamer encore plus de grandes franges de populations des pays pauvres.

menacera partout l’agriculture et la production de proximité. Celle-ci seule serait à même de garantir des produits de saison, frais et de bonne qualité, ainsi que la protection des producteurs locaux. De plus, elle minimiserait les besoins de transport et la consommation énergétique.

accentuera les risques sanitaires au niveau mondial. Le développement de l’élevage industriel à l’intention du marché international implique des grandes concentrations d’animaux confinés dans des espaces restreints et élevés dans des conditions d’hygiène et de vie déplorables. Bien souvent ces animaux sont bourrés d’antibiotiques et d’hormones de croissance. Tout cela dans le seul but d’atteindre des prix de production dits « compétitifs ».

soumettra la réponse aux besoins alimentaires des populations à la spéculation financière internationale. Celle-ci fait alternativement grimper et chuter les cours des céréales. La hausse des cours peut aller jusqu’à provoquer des véritables famines, elles sont donc dangereuses pour les populations, mais la volatilité des cours, en particulier leur baisse, l’est tout autant, elle menace à la fois la régularité de l’approvisionnement des populations et les revenus de nombreux petits producteurs.

accélérera le processus d’expropriation des petits producteurs agricoles et des populations autochtones. Cela au profit de multinationales qui surexploiteront les sols, les sous-sol, les forêts et l’eau. Ce processus est une véritable accumulation primitive, une concentration de richesses qui porte atteinte à diverses formes, souvent ancestrales, de propriété collective, à d’autres formes de production et de vie, qui détruit des cultures et prive les populations indigènes de leurs moyens traditionnels d’existence.

favorisera tant le pillage par les multinationales des richesses des pays pauvres, que l’évasion fiscale qui va de pair. Le processus est simple : a) les multinationales « négocient » un prix de production avec le pays détenteur de la richesse naturelle exploitée. Elles usent de toutes les ficelles (y compris la corruption d’« élites » locales) pour obtenir un prix de production aussi bas que possible. Elles payent leurs impôts au pays producteur sur la base de ce prix de production clairement sous évalué ; b) elles vendent, cette fois-ci à une de leur filiale ou un opérateur international les produits qu’elles ont acheté à un prix nettement sous-évalué ; c) depuis leur siège, un pays « offshore » (un paradis fiscal), ces filiales ou opérateurs internationaux vendent ensuite leurs produits au prix fort et encaissent l’intégralité du profit réalisé. L’essentiel des profits des multinationales n’émergent ainsi que dans les paradis fiscaux, et nullement dans les pays d’où ces richesses sont extraites ou produites. Ils sont de ce fait quasiment exemptés d’impôts.

accentuera la tendance actuelle à l’accaparement des meilleures terres dans les pays pauvres par certains Etats étrangers. Pour ce faire, les pays du Golfe et la Chine, ou encore certaines multinationales disposent d’énormes réserves financières. Les pays entendent ainsi assurer leur sécurité alimentaire au détriment des populations locales occupant ces terres bradées, tandis que les multinationales entendent produire selon leurs propres critères, développer d’immenses exploitations agricoles ou élevages à l’abri des réglementations que les populations avaient réussi à imposer dans certains pays riches.

favorisera la généralisation des monocultures gourmandes en engrais et produits prophylactiques chimiques. Ceux-ci épuisent et polluent les sols, l’air et les eaux, détruisent leur fertilité, cela dans le seul but d’exporter vers les pays riches les marchandises issues de cette monoculture et permettre aux Etats victimes de se procurer quelques devises leur permettant de payer ce qu’on nomme « leur dette ». La culture du soja en Amérique latine pour nourrir le bétail européen est un bon exemple de ces pratiques. Cette évolution porte clairement atteinte aux bases mêmes de l’agriculture de subsistance permettant de nourrir les populations locales.

renforcera la corruption tant au Nord qu’au Sud. Au Nord, une myriade d’intermédiaires vendeurs se graisseront la patte au passage, un nombre infini de traders développeront des trésors d’imagination pour manipuler les cours, des PdG se feront grassement payer leur absence de scrupules ou leurs crapuleries ; au Sud, des politiciens au pouvoir, souvent à coups de pots de vins et de dessous de tables, continueront de brader les richesses de leurs pays aux multinationales, voire aux institutions étatiques corrompues, en accordant des licences d’exploitation et en adoptant des lois facilitant ces « petits commerces crapuleux ».

aggravera le processus de destruction de l’environnement et de changement climatique en cours. Le processus de Doha perpétuera le modèle productiviste actuel, donc la multiplication des transports intercontinentaux de marchandises, les déforestations en Amazonie, en Afrique, en Indonésie, aux Philippines, l’exploitation et le pillage des ressources maritimes et souterraines, le développement d’une agriculture dégradant les sols et polluant l’environnement, l’air, l’eau, etc.)

renforcera au niveau mondial toutes les tendances autoritaires et les atteintes aux droits démocratiques. Par droits démocratiques, nous entendons ceux d’une démocratie authentique et non d’une pseudo-démocratie pervertie par le pouvoir de l’argent et des lobbies, la seule fonctionnelle aux structures capitalistes. Un exemple frappant de ce type de démocratie sévit aujourd’hui au Pérou. Là le président Alan Garcia fait tirer sur les populations autochtones qui protestent contre une loi visant à les exproprier de leurs territoires ancestraux pour permettre aux multinationales de s’y installer, tout cela en application des accords de libre échange passés avec les Etats-Unis. Ces dérives autoritaires, on peut désormais aussi les observer dans les pays européens où se multiplient les atteintes aux droits d’expression, de manifestation et aux droits syndicaux (cf. notamment les affaires d’espionnage de syndicalistes au sein de grandes firmes ou de militants altermondialistes par des multinationales qui ont pignon sur rue). Partout, des tendances répressives sont observées.

Les implications de notre opposition à la poursuite du cycle de Doha

La mobilisation proposée à Genève et dans le monde entier est tournée contre l’ouverture du commerce mondial dans les conditions capitalistes et contre l’OMC qui est une institution dominée par les lobbies des multinationales et du capital opérant au plan mondial. L’occasion de la 7ème conférence ministérielle de cette institution doit être saisie à la fois pour montrer notre opposition au type de développement proposé et mettre en avant les solutions qu’un autre monde rendrait possibles.

Dans l’immédiat il faut faire échouer le cycle de Doha, parce que son succès serait une catastrophe pour les travailleurs du monde entier. Mais par-delà, notre protestation doit viser le modèle de production, d’échange et de consommation qui sévit actuellement. C’est ce modèle qui menace l’avenir de l’humanité.

Notre mobilisation a donc valeur d’aspiration à un nouveau mode de produire, d’échanger, de répondre aux besoins des populations, de démocratie, de rapport entre les cultures, à un nouveau modèle qui libère le potentiel de créativité des populations dans le monde entier.

Ceux ou celles qui veulent en discuter peuvent nous joindre sur notre home page, www.travail-et-salariat.org. Ils peuvent nous envoyer des contributions.

[1Gageons que c’est par des déclarations telles que celle-ci que le directeur général de l’OMC s’est vu attribuer, en marge du festival de Locarno, le prix de la culture politique doté de 50.000 euros par la Fondation Ringier. Pascal Lamy a été récompensé en tant que « combattant pour une globalisation équitable » ainsi que pour sa « sensibilité exceptionnelle pour la culture ». Avouons quand même que cela mérite bien l’augmentation de 32% de son traitement réclamée par lui en pleine crise économique et financière, mais refusé unanimement par les pays membres de l’OMC, ces ingrats. Pascal Lamy ne perçoit en effet « que » 480.000 frs suisses par an (soit 320.000 euros, à quoi s’ajoute, cependant, une cotisation de 15 % du montant de son traitement pour sa retraite).

[2Selon Pascal Lamy, l’expansion du commerce mondial contribuera à stabiliser les marchés financiers ; s’il fallait l’en croire, ce serait le meilleur antidote contre la crise financière : en février 2008, il présentait « l’expansion du commerce comme une garantie contre les turbulences financières ». En avril 2008, il déclarait : « la conclusion du cycle de Doha rassurera les marchés financiers ».

Pascal Lamy fait de plus miroiter qu’une conclusion du cycle de Doha contribuerait fortement à surmonter la crise économique. En février 2008, encore, il faisait valoir devant le Comité monétaire et financier à Washington que la libéralisation du commerce des services était un instrument vital pour la croissance économique ; il suggère ainsi implicitement que l’ouverture commerciale permettrait non seulement de sauver les emplois existants mais d’en créer de nouveaux. Il voudrait également nous faire croire qu’un accord sur la libéralisation du commerce en matière de produits agricoles et industriels, mais aussi de services, serait dans l’intérêt commun du capital et du travail.
Entonnant lui aussi désormais le refrain du « capitalisme vert », Lamy prétend que la conclusion du cycle de Doha constituerait une solution au problème de la destruction de l’environnement et du changement climatique ! C’est ainsi qu’en juin 2007, dans un discours prononcé à l’université de Yale, Pascal Lamy avait surpris les critiques « en se révélant capable non seulement de justice commerciale (sic), mais aussi, dans une certaine mesure, de justice environnementale ». Le cycle de Doha est le premier qui contienne un « chapitre vert » prévoyant des négociations sur la réduction des subventions à la pêche, déclarait-il, avant de conclure : « le virage écologique de l’OMC est amorcé ».
En décembre 2007, il déclarait à Bali que les négociations de Doha sur les biens et les services pourraient constituer « un « double gain » pour certains de nos membres : « un gain pour l’environnement mais aussi pour le commerce ».
Selon lui, un échec des négociations de Doha « renforcerait l’influence de tous ceux pour qui la croissance économique doit se poursuivre sans le moindre contrôle », sans égard pour l’environnement. « Le commerce et donc l’OMC doivent être mis au service du développement durable ». Il n’y a « pas de conflit entre le commerce et l’environnement », soutenait-il déjà en mai 2006.
Fin juin 2009, enfin, Pascal Lamy déclarait : il n’y a pas de solutions unilatérales aux problèmes mondiaux : Copenhague doit être notre point de mire. La meilleure façon de définir la relation entre le commerce international – et de fait l’OMC – et le changement climatique serait un accord international consensuel (je souligne) auquel participeraient effectivement tous les grands pollueurs ».
Le directeur général de l’OMC soutient qu’une libéralisation du commerce mondial serait dans l’intérêt des pays du Sud et permettrait de réduire la fracture entre pays riches et pauvres. C’est ainsi qu’en juillet 2009, il déclarait que l’aide pour le commerce aidera les pays en développement à sortir de la crise économique et en avril 2009 : « le meilleur plan de relance, c’est le Programme de Doha pour le Développement (PDD) ».
En juin 2008, au moment des émeutes de la faim, il proclamait « le cycle de Doha peut apporter une partie de la réponse à la crise alimentaire ». Dans une conférence mondiale sur l’agriculture, tenue en mars 2009, le directeur général de l’OMC ajoutait : les analystes ne s’accordent pas sur l’évolution future des cours des matières premières mais quoi qu’il en soit, la conclusion d’un accord sur les questions agricoles dans le cadre du cycle de Doha aidera à stabiliser l’économie mondiale et à fournir de la nourriture là où elle est nécessaire.

[3En France, par exemple, le déficit de la sécurité sociale croît de manière exponentielle sans que les pouvoirs publics ne cherchent des nouvelles recettes. C’est à se demander si cela n’est pas délibéré pour provoquer sa faillite. Parallèlement, partout les pouvoirs publics dépensent sans compter pour renflouer les banques et tenter de relancer la machine économique, ce qui crée un endettement global sans précédent qui justifiera tous les programmes d’austérité.

[4Mais peut-on parler de crise sociale pour désigner les conséquences sociales de la crise du capitalisme en tant que système ? A notre avis non. Il ne s’agit pas là d’une crise sociale, mais des effets d’une lutte de classe unilatérale, celle de la classe dominante qui cherche à restaurer les conditions de son profit mis à mal par la crise de son système. Celui-ci a le profit comme raison d’être. Dans la propagande bourgeoise, le profit est posé comme la condition du bien être général, il serait donc la raison d’être tant idéologique que politique du système. Il est certainement la raison d’être du système, mais il est tout, sauf la condition du bien-être général. Lorsque les travailleurs l’auront compris, ils se battront contre les mesures restaurant le profit, ils exigeront que le surplus social provenant du travail serve désormais à améliorer la vie des gens à la place de nourrir le capital. Cette lutte déclenchera la crise sociale, c’est-à-dire l’impossibilité de la bourgeoisie d’imposer ses mesures antisociales. Une crise sociale commencera par un « pat » politique : ni la bourgeoisie, ni les travailleurs seront en mesure d’imposer leur solution, la lutte des classes tranchera.

[5Le contraste est d’ailleurs frappant entre cette pression sur les emplois et les salaires au niveau mondial et la surenchère à laquelle se livrent à nouveau les banques en matière de bonus ou de niveau de rémunération de leurs cadres ou des traders opérant dans les salles de marchés. Le G20 a fait de belles déclarations sur la nécessité d’encadrer les bonus dans les établissements financiers faisant valoir que ceux-ci favorisent les prises de risques excessives qui nous ont précipités dans la crise. Aujourd’hui, dans tous les pays, les banques passent outre à ces recommandations et résistent à toute réglementation légale en matière de plafonnement des bonus et rémunérations. Les bourses et les marchés des matières premières ont en effet repris des couleurs depuis mars 2009, de sorte que les banques d’investissement qui ont renoué avec les gros profits au 2ème trimestre 2009, font valoir que toute réglementation dans ce domaine menacerait leur compétitivité face à leurs concurrentes étrangères. Il s’agit pour elles de s’attacher « les meilleurs éléments », ceux qui leur font à nouveau gagner beaucoup d’argent dans des opérations spéculatives, lesquelles généreront immanquablement de nouvelles bulles financières. Tout cela, alors que le chômage et la pauvreté s’aggravent dans le monde entier.