travail et salariat

Critiquer la société capitaliste, c’est bien, réclamer un autre monde possible, c’est légitime, mais tout cela restera incantatoire si nous ne disons pas ce que cet autre monde sera.

Site créé par Christian TIREFORT et Eric DECARRO pour publier leurs analyses, il accueille également celles de la branche suisse du réseau salariat. Le premier en fut le président jusqu’à son décès survenu le 14 décembre 2022.

Les retraites en Suisse

un combat capital/travail

mercredi 27 septembre 2017 par Christian Tirefort

Voilà, les ayants-droit de voter en Suisse ont une fois de plus refusé un compromis social-démocrate menant à une dévalorisation de l’AVS par rapport aux deux autres piliers basés sur la capitalisation. Le but réel de ces compromis est d’instaurer des rentes suivant les variations des cours boursiers.

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Le moins qu’on puisse dire c’est que le système de sécurité sociale en Suisse est tortueux, opaque, à terme peu fiable, ce qui n’empêche pas que les financiers exigent non seulement que l’argent des assurés procure du profit pour payer des rentes, mais qu’en plus il paie les dividendes.

C’est là que le bât blesse, c’est aussi pour cela que le deuxième pilier est à terme condamné, il doit à la fois payer des rentes pour les rentiers, des profits pour les investisseurs, des intérêts pour les banques, des salaires augmentant sans limite pour les PDG et de somptueux matelas dorés pour les hauts décideurs limogés.

1.1 Trois piliers là où un seul suffirait

Le système de retraite en Suisse comporte trois piliers nommés : premier pilier ou AVS (Assurance Vieillesse et Survivants), deuxième pilier (prévoyance professionnelle), troisième pilier (épargne personnelle ou plus précisément de l’argent qui échappe largement au fisc).

Le premier pilier, l’AVS est un système par répartition, les cotisations courantes paient les rentes aux ayants-droit comme des salaires continués. Il en va ainsi génération après génération.

Le deuxième pilier est une accumulation forcée de capital.

Le troisième pilier est une accumulation facultative de capital, il est fait sur mesure pour celles/ceux qui cherchent des niches de placements
qui échappent au fisc. Dans le cas des deuxième et troisième piliers, les effets de solidarité disparaissent au profit de l’accumulation d’un pécule personnel, en réalité un capital de seconde zone qui, le moment venu, procurera une rente entièrement tributaire des profits réalisés sur les marchés financiers.

Dans le deuxième, comme dans le troisième pilier, les rentiers doivent endosser l’habit de petits capitalistes dépendant des financiers qui spéculent avec l’argent qui leur est confié. Les systèmes par capitalisation brisent les solidarités intergénérationnelles.

Les rentes proviennent des profits réalisés avec le capital accumulé, elles sont donc tributaires de la contradiction entre l’avidité sans fin du capital à se nourrir de profit et la baisse tendancielle du taux de ce profit. Cet argent doit rétribuer quatre mondes plus ou moins antagoniques au sein de la sphère financière : les multimilliardaires, les actionnaires et leur propriété lucrative, les financiers entièrement dévoués aux tout gros capitalistes, les rentiers complètement dépendant du rendement du capital en général.

Les deuxièmes et troisièmes piliers nous réduisent à l’état de petits capitalistes dont l’avoir vieillesse est noyé dans un immense cloaque de capitaux de plus en plus difficiles à rentabiliser. Cela nie notre statut de producteur et nous rend dépendants des manipulations financières.

La finance décide tout à notre place. Tout se passe comme si nous n’étions que des êtres de besoins, comme si nous n’étions pas en tant que travailleurs avant tout des producteurs créant nous-mêmes les richesses nécessaires pour vivre.

Etat des lieux

1. L’AVS (Assurance vieillesse et survivants)

L’affirmation que les cotisations sont payées pour moitié par les salariés et pour moitié par les entreprises est apparemment exacte, mais en fait complètement trompeuse. En réalité toutes les cotisations, y compris la part patronale, proviennent du travail humain.

En incluant l’AI (Assurance invalidité), les cotisations AVS correspondent à plus de 10% de la masse salariale. Elles sont retenues à la source par les entreprises et transmises à l’institution gestionnaire.

1.2 Les avantages de l’AVS
L’AVS est une conquête des travailleurs, elle est un système par répartition. Ses grands avantages sont la transparence et la solidarité ; chacun sait pourquoi il cotise, chacun connait le montant qu’il recevra le moment venu. L’argent encaissé s’appelle « cotisation », ce qui, selon le Larousse, signifie « somme versée par chacun des membres d’un groupe pour contribuer à ses dépenses ». Tu contribues selon tes moyens, tu reçois selon tes besoins. C’est simple, transparent et génial.

Les cotisations AVS entrent entièrement dans un fond commun, elles sont immédiatement utilisables, elles contribuent directement ou indirectement au financement de nombreuses activités. Etant donné que les cotisations sont calculées en pourcent des salaires, chacun contribue selon ses moyens. La source des cotisations est stable, chaque membre du groupe doit contribuer. La cotisation est en tout temps et sans grande bureaucratie adaptable aux besoins, elle n’est pas dépendante de l’exploitation des travailleurs ou de manipulations financières incontrôlées et incontrôlables.

1.3 Les désavantages de l’AVS
Si l’AVS a des désavantages, il ne faut pas les chercher dans sa structure basée sur la cotisation, mais dans le fait qu’en Suisse la social-démocratie est traditionnellement assez forte pour imposer ses conceptions et ses manipulations aux travailleurs. Ainsi en Suisse le primat de la cotisation sur des dérivés de ressources peu contrôlables par les travailleurs n’a pas été aussi évident qu’en France et la mise en place du deuxième pilier dans les années 70 a été une défaite majeure des salariés.

2. Le deuxième pilier
Selon ce système les rentes versées dès 65 ans dépendent du « partage » des profits réalisés avec le capital résultant d’une très longue (40 ans) période d’accumulation. Lorsque l’âge de la retraite arrive, le retraité se voit attribuer une rente constituée d’une portion du profit qui a été réalisé avec le capital accumulé.

Depuis l’introduction de ce système les travailleurs ont perdu l’essentiel de leur pouvoir sur les conditions de leur retraite, ils sont fortement tributaires de manipulations financières incontrôlables.

Depuis la mise en œuvre du deuxième pilier, l’AVS est fortement fragilisée ; elle est sortie du monde politique pour être soumise à celui de l’économie. Les décisions qui la concernent ont cessé d’être liées à un projet de société propre au monde du travail (par exemple la lutte contre la précarité) et elles sont soumises à des critères économiques donc à la guerre pour le profit.

Avec le deuxième pilier le bloc bourgeois a trouvé le Cheval de Troie qui ronge l’AVS de l’intérieur. En l’imposant avec l’aide de la social-démocratie, c’est toute la thématique de la lutte contre la précarité qui a été transférée de la sphère politique à la sphère économique. Ainsi lorsqu’on parle de retraite, ce n’est plus d’un attribut politique qu’on discute, mais des coûts à réduire et des réformes nécessaires pour garantir le profit.

Le deuxième pilier est en réalité le Cheval de Troie qui envahit l’AVS dans le but de la détruire, et qu’ainsi seuls les systèmes par capitalisation perdurent. Si nous laissons faire les plus démunis seront ramenés deux siècles en arrière, lorsque toute l’entraide dépendait de la charité.

Le deuxième pilier est obligatoire. Il est prélevé de force sur un salaire coordonné, autrement dit sur la part du salaire non couverte par l’AVS. Il représente de 8 à 16% de ce salaire, selon l’âge du cotisant.

On croit souvent que la masse d’argent accumulée va en toute sécurité « dormir » dans les coffres des banques. Mais la réalité est autre, cet argent ne va pas « dormir », il est l’otage des marchés financiers, il doit s’y battre pour une part de profit.

Pendant les 40 ans d’accumulation forcée, notre argent reste à disposition des financiers qui le font « travailler ». Comment s’y prennent-ils ? D’une part ils parasitent et vampirisent les activités sociales, d’autre part ils spéculent.

Jusqu’à 65 ans les entrepreneurs prélèvent, mois après mois, une part de nos salaires pour constituer « un capital ». Pendant tout ce temps les financiers s’approprient les profits réalisés avec notre argent. Ensuite, le moment de la rente venu, les financiers n’ont qu’une obligation, payer les rentes. Ils les paient avec une part des profits réalisés avec notre capital. Pourquoi une part ? Parce que dès le moment de la rente le profit est divisé en deux parts : l’une est fixe, elle sert à payer les rentes dues, l’autre est rendue invisible et continue d’enrichir les financiers.

Le tableau en annexe montre au travers d’un exemple chiffré comment la mécanique du deuxième pilier fonctionne. Chaque lecteur est prié de la consulter à la fin de ce texte, les chiffres parlent d’eux-mêmes.

En réalité le deuxième pilier ne fait qu’accroître la masse de capitaux errant ou en déshérence sur les marchés financiers, il durcit la course au profit, la transforme en guerre économique pour le contrôle des placements les plus rentables. Aucun capital et aucun propriétaire lucratif n’échappe aux nuisances de cette guerre. « Justice est faite, tout le monde est égal puisque tout le monde est engagé dans la même guerre » diront certains.

2.1 L’armada financière

Ne nous leurrons pas ! Si les propriétaires lucratifs doivent tous affronter les mêmes conditions, ils sont loin d’être égaux, ils n’ont pas les mêmes moyens. Certains sont forts, d’autres moins forts, certains sont gros, d’autres moins gros, certains brassent des milliards, d’autres quelques centaines de milliers, presque rien, mais dès que des occasions de profit se présentent tous courent après… et ce sont toujours les plus gros et les plus forts qui gagnent.

Pour que leur capital rapporte le jack pot, les plus gros propriétaires, ceux qui ont atteint une dimension mondiale, se paient et corrompent à coups de milliards de véritables armadas d’experts financiers, de présidents directeurs généraux grassement payés et sans scrupule qui passent leur temps à manipuler les cours de la bourse et à spéculer sur tout : sur les céréales (ce qui crée des famines meurtrières) sur les ressources naturelles (ce qui mène à des désastres environnementaux) sur les manipulations monétaires (ce qui crée des faillites économiques) sur le brevetage des découvertes scientifiques, sur les armes, etc.

3. Le troisième pilier
Il ne fait qu’ajouter une compresse au deuxième pilier. En créant des niches avantageuses du point de vue fiscal, il est conçu pour attirer la petite et moyenne bourgeoisie dans un bloc bourgeois de plus en plus divisé. Le troisième pilier sert avant tout à créer et accentuer les divisions au sein du bloc travail.

Mis à part cela, tout comme le deuxième, le troisième pilier n’échappera pas aux effets destructeurs de la chasse aux profits des capitalistes ; à la première crise les épargnes réalisées fondront comme neige au soleil.

4. Le capital des pauvres

Au premier abord les huit cents à mille milliards de capitaux déjà aux mains des institutions représentant le deuxième pilier semblent constituer une force énorme. Ce n’est qu’une apparence. Ils sont en réalité parcellisés en une multitude de fondations ou autres institutions qui se contentent d’enregistrer les « résultats » une ou deux fois par année, de féliciter les gestionnaires en charge de leur compte et de pleurer lorsque les pertes de leur fondation sont irrécupérables et qu’il faut avoir recours à l’Etat pour sauver le minimum légal.

Dans le magma financier, les capitaux du deuxième pilier − « les avoirs vieillesses » disent les assureurs − ne sont ni mieux protégés ni prioritaires par rapport aux autres capitaux, bien au contraire, leur destin est d’être à terme sacrifié. Les capitaux du deuxième pilier n’ouvrent pas sur la propriété du capital accumulé, ils n’ouvrent que sur un droit à une rente exclusivement attachée à l’assuré, donc s’éteignant avec lui, ne pouvant être léguée aux descendances familiales.

Le deuxième pilier a donc la particularité d’ouvrir la porte à un système de rentes qui dépouille chaque assuré du droit de propriété sur un capital qu’il a pourtant durant 40 ans constitué seul. Tout se passe comme si les rentes jaillissaient de la sphère financière sans être préalablement passées par le capital, la machine qui fait le profit.

Cela est fondé sur un mensonge : à l’ouverture des comptes (à l’âge de 25 ans) tout le monde parle d’épargne individuelle indispensable pour constituer le capital, celui-ci étant considéré comme une machine à fabriquer le profit qui, le moment venu (à 65 ans) paiera la rente ; à l’arrivée, lorsque le droit à la rente est là, les capitaux accumulés dans chaque compte individuel cessent d’être une machine à créer le profit à la source de chaque rente, ils se « collectivisent » dans un magma nommé « sphère financière » d’où la part de profit de chacun jaillirait d’une lutte féroce contre les autres. C’est dans ce magma que la part de capital accumulé disparaît.

5. Nos formes de propriété contre la leur… voilà le vrai combat !

Tout le monde se tait sur la troisième phase, les déshérences de l’après rente. Tout bascule dans le non-dit : il n’y a plus de rente, donc plus besoin du capital qui la fabriquait. Le mensonge est là, l’assuré est mort, la rente avec lui. Mais il y a un mais : le capital est toujours là, quelque part dans la sphère financière, il fabrique encore du profit. Pour qui ?

Le propriétaire du capital est mort, pas sa descendance, elle a par conséquent le droit d’hériter. S’il n’en était pas ainsi, il faudrait admettre
qu’il y a deux poids, deux mesures, deux types de capitaux, celui des riches et celui des pauvres : le capital instrument d’exploitation qui fonde les dynasties propriétaires du monde et le capital des propriétaires anonymes, donc sans propriété, qui disparaît lorsque le rentier meurt. Où disparaît-il, ce capital ? La moindre des transparences exigerait que la question soit clairement posée.

Pour les capitaux du deuxième pilier, la loi ne dit rien ; ceux qui l’ont conçue ont créé un no mans land juridique. Cela évite les discussions sur les deux vraies questions : primo, qui a épargné ? Deuxio, qui doit hériter de l’argent épargné ? Les normes bourgeoises indiquent toutes que la loi est égale pour tous, que ce principe fonde l’égalité entre les humains. Mais cette règle n’est pas appliquée pour les propriétaires de capitaux. En effet, les descendants des rentiers décédés devraient en principe hériter de ces capitaux, le contraire serait du vol. Pourquoi ?

Premièrement, nous défendons très mal les intérêts des gens des peuples, en l’occurrence les intérêts des assurés. Nous faisons comme si
l’argent qu’on leur soutire sous forme de cotisations, pour constituer le capital à la source de la rente, ne représentait pas du salaire
différé, mais une dépense du patronat.

Deuxièmement, nous nous soumettons à la propriété lucrative, la forme de propriété, donc de richesse, imposée par le bloc bourgeois et social-démocrate. Nous ne proposons que des aménagements à ce type de propriété et tournons le dos aux différentes formes déjà souvent pratiquées par les gens des peuples.

Quelles sont ces autres formes de propriété ? La copropriété d’usage des instruments de production, la propriété d’usage du patrimoine immobilier, en particulier la propriété d’usage à vie d’un logement, l’accès de tous au bien commun, la propriété collective et coopérative, la copropriété généralisée du savoir, l’accès de tous à la santé, à l’éducation, à la culture, etc., toutes des formes de propriété qui devraient être garanties à chaque être humain. C’est sur elles que les discussions doivent porter.

Nous nous apercevrions alors vite que les différentes formes de propriété donnent leur sens au mot liberté ; et donc que, si une seule est transgressée, la propriété lucrative qui fabrique des exploiteurs dans les usines et des voleurs partout ailleurs s’imposera à nouveau.

6. Le capital est une arme de classe

Cessons de jouer les vierges effarouchées. Le capital est l’arme des capitalistes, le leur abandonner, c’est entretenir leur force et nous exclure de toute discussion sur l’avenir. C’est dans nos luttes pour le présent que se forgent celles de l’avenir. Le capital fait partie de cet avenir, il ne se soumettra ni ne disparaîtra comme par enchantement. Il faudra le neutraliser.

Cela signifie que les gens des peuples devront s’inclure, de force s’il le faut, dans toutes les discussions conceptualisant la société qui supplantera le capitalisme.

Nous devrons partout opposer nos formes de propriété, celles qui surgissent des pratiques populaires, celles qui contestent la propriété lucrative du bloc bourgeois et de ses alliés sociaux-démocrates. Pour cela nous devons dès maintenant développer nos propres concepts. Sans eux nous resterons les esclaves d’une société qui nous est étrangère.

Les questions doivent être formulées sans détour : que faire des mille milliards de francs déjà ponctionnés sur nos salaires ? Comment dédommager les familles victimes de l’escroquerie ? Quelles nouvelles règles imposer ? Comment faire toute sa place à la solidarité, par exemple destiner un tiers du capital aux familles spoliées, un tiers à la culture et un tiers aux institutions chargées de la gestion du bien commun.

Cela donnerait de la profondeur aux discussions sur l’avenir, cela impliquerait les travailleurs qui voient que de 25 à 65 ans leurs salaires
sont amputés d’une somme considérable, de 8 à 18%, soit d’un argent qui disparaît dans le magma financier chaque fois qu’un assuré décède. Un argent qui accroît sans fin le pouvoir des déjà riches.

7. Le cynisme bourgeois

Le deal qu’on nous donne à croire se fonde sur la durée de vie de l’assuré. Cette durée dirait si l’institution gérant le compte s’en sort avec un bénéfice ou un déficit. Elle serait bénéficiaire dans le cas où l’assuré mourrait jeune − qu’il meurt donc au plus vite ! − déficitaire s’il mourrait tard. L’enjeu pour l’institution gestionnaire serait le reliquat de capital au décès de l’assuré. Des amputations minimes et peu fréquentes au capital accumulé au compte de l’assuré seraient le deal gagnant, des amputations fréquentes et importantes signifieraient un deal perdant. De là, la dispute sur le taux de conversion.

Le but est idéologique, faire accroire que l’argent des rentes versé chaque mois aux assurés − des travailleurs considérés « hors d’usage »
− serait prélevé sur le capital et l’entamerait, alors que ce n’est pas le cas, les rentes sont en réalité payées avec les surplus sociaux que nous produisons en nous faisant exploiter et voler durant les 40 ans de nos vies dites « actives ».

La réalité est pourtant claire : le moment venu, la rente devient une rivale du capital dans le partage du profit. Le but du deuxième pilier
lui-même est oublié, le capital s’attaque aux rentes elles-mêmes, notamment en mettant systématiquement en cause le taux de la conversion en rente du capital accumulé : tout d’abord 7,2%, puis 6,8% et maintenant 6,2%. Le but politique est d’inverser la priorité, attribuer un taux minimum fixe au capital, abolir le taux de conversion en rente, donc flexibiliser le montant des rentes, qu’elles ne dépendent plus que du rapport de force qui répartit les profits.

C’est sur ce thème que le bloc bourgeois tourne sa veste : jusqu’alors il argumentait que les systèmes par capitalisation étaient inépuisables parce que nourris par le profit, tout à coup il sous-entend que les rentes proviennent d’amputations successives au capital parce que le profit est insuffisant.

8. Le mariage du capital et du profit

Pour comprendre les véritables enjeux du capitalisme lui-même et du deuxième pilier en particulier, il faut savoir ce que sont le capital et le profit. Le premier, le capital, est une acception idéologique de ce qu’est la richesse, donc accumuler du capital, c’est accroître la richesse ; le deuxième, le taux de profit, résulte d’une guerre féroce entre les propriétaires de capitaux.

Pour la bourgeoisie l’enjeu principal est le capital, c’est avec lui qu’elle parasite et vampirise les activités sociales pour en soutirer le surplus du travail mis en œuvre. Le capital est de la propriété lucrative, en posséder ouvre le droit au parasitage de la richesse créée, donc ouvre les portes du profit. Celui-ci doit sans fin s’additionner au capital originel, il le nourrit pour en augmenter la masse, sans cela il serait jugé improductif.

Les capitalistes n’entament leur capital qu’en dernier ressort, ils ne l’utilisent que pour parasiter les activités sociales et, ainsi, nourrir leur propre capital. Tout capital non nourri en profit perd de sa valeur, et toute amputation au capital implique une diminution de la richesse qui appauvrirait tant des capitalistes particuliers que, en cas de généralisation des amputations, la société tout entière.

Contrairement à ce qu’on nous fait croire, le capital ne finance jamais rien, il est investi pour être valorisé partout où il y a quelque chose à parasiter. Son unique but est d’accroître sa propre masse et sa fonction est de s’imposer comme la représentation accomplie de la richesse.

9. Pourquoi privatiser ?

Les privatisations sont en réalité du bien commun transformé en propriété individuelle. Elles servent à ouvrir de nouveaux domaines au profit. C’est pour cela que le bloc bourgeois et la social-démocratie démultiplient sans fin les domaines privatisables.

En changeant le statut social du bien commun, les privatisations ouvrent de nouvelles sources de profit. Cela aura pour effet d’augmenter
tant la masse des capitaux qui devront être rentabilisés que, simultanément, la concurrence entre les différents capitaux, ceux du deuxième pilier en croissance perpétuelle parce qu’accumulant l’argent des cotisations, ceux des tenants de la propriété lucrative en général.

Le bloc bourgeois voit d’un très mauvais œil qu’une partie des profits en général ait une destination fixe et lisible : les rentes du deuxième pilier. Son prochain combat sera de faire disparaître ce taux fixe, un taux « politique », pour que les rentes résultent aussi de la flexibilité du taux « économique », le taux de profit tendanciellement en baisse parce que la masse du capital à nourrir croît sans limite tandis que le profit se heurte aux limites de l’activité sociale réelle.

Le deuxième pilier est un des instruments de la course aux privatisations de l’ensemble des systèmes sociaux, en particulier du volet retraite. La stratégie mise en place est de diviser et de fragiliser les trois composantes de l’édifice des retraites en Suisse. Là où avec l’AVS la coopération et la mise en commun des forces avaient déjà démontré leur efficacité, les privatisations transforment formellement chaque assuré en petit propriétaire soi-disant libre mais sûrement exploité et prisonnier des financiers.

10. Un long processus sacrificiel en trois actes

Rappelons le parcours obligatoire :

a) Dès que leurs employés ont 25 ans les employeurs prélèvent chaque mois de 8 à 18% (selon l’âge de l’assuré) sur les salaires coordonnés
de leurs employés.

b) Pendant les 40 ans de prélèvement obligatoire, sortir du deuxième pilier est quasiment impossible ou accompagné de sacrifices énormes.

c) L’assuré meurt, pas le capital, lui continue de « travailler », bien qu’anonyme, il rapporte encore. La question est où va le capital qui
continue de s’engraisser avec les profits qui le nourrissent ?

Tout commence par une accumulation forcée de capital que les assureurs appellent « avoir vieillesse ».

Tout continue lorsque la période de la rente s’ouvre. A ce moment le capital accumulé de force pendant 40 ans génère le profit qui financera la rente. Ce qui change entre avant et après le droit à la rente est lié à la problématique du partage du profit : une partie, actuellement 6,8% du capital accumulé, est bonifiée à l’assuré sous forme de rente, l’autre partie, variable, reste acquise à l’assureur. Celui-ci se positionne comme propriétaire du capital accumulé par l’assuré. C’est un formidable tour de passe-passe.

Précisons : la rente n’ampute pas le capital déjà accumulé, elle modifie la répartition du profit. Avant, il restait entièrement dans la sphère financière sous le toit de l’institution gérante de l’avoir vieillesse des assurés, après il est partagé avec l’assuré. Quant au capital à 100% constitué de ponctions sur le salaire des assurés, il est jalousement préservé par l’assureur désormais auto désigné propriétaire du capital.

On croit que tout se termine au moment du décès de l’assuré : de son point de vue, il n’y a plus de rente à recevoir, du point de vue de l’assureur, il reste du capital parasitant une multitude d’objets financiers partout dans le monde. Certains croient que la descendance de l’assuré, sa famille, hérite du capital. Il n’en est rien. L’assuré a eu sa rente. Bien que son capital résulte de 40 ans de saisies sur son salaire, l’assuré ne peut plus rien exiger.

Tout l’argent prélevé pendant 40 ans sur le salaire de l’assuré, tout le profit réalisé tant pendant cette période d’accumulation que pendant
la période de rente reste bien camouflé dans les écritures des institutions gérantes de comptes. C’est comme cela que l’opacité de la sphère financière et l’engagement idéologique de l’ensemble du bloc bourgeois et de ses sous-fifres sociaux-démocrates sont le mieux garantis. Tous susurrent en chœur : « Les travailleurs sont des gouffres à fric, ils dilapident tout ce qui passe entre leurs mains ».

On l’aura compris, bien qu’ils aient aussi subi les sacrifices de la période d’accumulation les descendants des assurés ne peuvent rien exiger,
ils n’ont droit à rien. Les hommes meurent, pas le capital, il poursuit ses activités parasites, quoi qu’il arrive !

L’argent qu’il représente atterrit dans un no mans land sans propriétaire, le plus souvent il est dilué dans différentes affectations, par
exemple des fonds de réserves, le gonflement de divers frais de gestion, pour réapparaître sous forme de profit lorsque l’opportunité se présente
ou sous forme de déficit lorsqu’on lui fait éponger des dettes ou camoufler des profits insuffisants. Mais cela seuls les professionnels le
voient, pour le commun des mortels c’est du charabia de spécialistes.

Contrairement à ce qui se passe avec le capital dit « normal » où tout est fait pour graver le droit d’héritage dans le marbre, pour le deuxième pilier tout est fait pour que ce droit n’apparaisse jamais. Cela va aujourd’hui encore plus loin, vers une interdiction explicite. Des propositions interdisant toute cession de capital, quelle qu’en soit la forme, tant à l’assuré qu’à ses héritiers les plus proches ont déjà été votées au parlement fédéral. Doit-on laisser faire sous le prétexte qu’on est anticapitaliste ?

Non, mais en tant que gens de gauche nous devrions savoir ce qu’on veut faire des capitaux en déshérence qui croissent et croîtront de manière exponentielle. La discussion passe par un projet de société, pas par des pseudos réformes, des revendications qu’on s’évertue à présenter comme assimilables. Ce qui était possible lorsque le capital industriel était encore dominant ne l’est plus aujourd’hui. Pour comprendre il faut tout d’abord savoir ce qu’est la rente du point de vue des travailleurs.

11. La rente : qu’est-ce exactement ?

Selon les normes bourgeoises les « avoirs vieillesse » fonctionnent comme du capital ; le jour du droit à la rente venu, les profits du capital jusqu’alors accumulé financent les rentes. Ce financement provenant des profits réalisés avec le capital accumulé jusque-là, non seulement celui-ci reste intact, mais il s’accroît de la fraction du profit excédant les montants affectés aux rentes.

Alors pourquoi ceux qui 40 ans durant sacrifient une partie de leur salaire pour en faire du capital perdent-ils tous leurs droits de propriété ?
Il y a deux raisons :

Du point de vue des travailleurs le capital ne produit pas de richesse, il est un instrument à faire du profit, et celui-ci provient du surplus social généré par le travail mis en œuvre. Ne considérant pas le capital accumulé comme de la richesse, mais comme un de ses ersatz, les travailleurs ne lui donnent pas la même importance que les capitalistes : ils croient que le moment venu le capital du deuxième pilier est amputé mois après mois pour payer leur rente. C’est un positionnement erroné que la gauche a largement répandu et jamais corrigé. En effet, le capital n’est certainement pas la richesse, mais il est une arme de classe qui nous affaiblira tant que nous l’abandonnerons aux capitalistes.

Les travailleurs ne croient pas que le capital par lui-même puisse produire suffisamment pour, à perpétuité, nourrir des oisifs. Ils ne croient qu’à la forme travail des surplus sociaux. Selon les travailleurs les rentes ne sont pas un produit du capital, elles sont de l’argent qui retrouve sa fonction de salaire après une longue période de sommeil.

Insistons : contrairement à ce que beaucoup croient les rentes ne résultent pas d’une amputation au capital accumulé, elles sont payées avec le profit qui, lui-même, provient de l’exploitation du travail humain. Les rentes payées par le deuxième pilier sont en réalité une restitution très partielle de l’argent saisi sur les salaires pendant les années d’accumulation forcée des « avoirs vieillesse ».

Lorsqu’on parle de paiement des rentes, seul le profit est concerné : jusqu’alors celui-ci n’était pas partagé entre les institutions financières
et le propriétaire de l’avoir vieillesse, il le sera désormais : dès l’âge de la retraite atteint, le rentier réduit au statut de travailleur hors d’usage, donc de charge sociale, aura droit à 6,8% de son avoir vieillesse, le capital jusqu’alors crédité à son compte.

La seule chose que la rente change, c’est qu’autrefois le travailleur ne voyait pas le profit réalisé avec son capital, celui-ci se perdait entièrement dans le magma financier, alors que versé en espèce aux travailleurs l’argent des rentes retrouve de la visibilité, il n’est plus seulement du capital anonyme, il est de nouveau un salaire arrimé aux activités sociales.

Cela signifie que le moment de la rente venu, donc après les années d’accumulation, une partie du profit prend la forme rente. Mais cela ne signifie pas que la rente résulte d’une amputation au capital accumulé, elle est une part du profit réalisé. Par conséquent, même en période de rente la masse globale du capital accumulé ne décroit pas.

12. Le taux de conversion doit rester fixe

Soyons clairs, pour nous travailleurs les rentes c’est de la richesse qui retrouve sa fonction originelle : développer les activités sociales, la coopération sociale et les échanges. Pour le bloc bourgeois les rentes, c’est accompagner jusqu’à la mort les travailleurs hors d’usage.

Le véritable enjeu de la PV2020 n’est pas la diminution du capital accumulé dont le bloc bourgeois profite largement, mais la diminution des rentes versées aux travailleurs, autrement dit, le taux de conversion qui fixe le niveau des rentes, hier 7,15%, aujourd’hui 6,8%, demain 6,2%, voir encore moins, du capital accumulé. C’est ce taux que le bloc bourgeois veut supprimer en faveur de rentes flexibles. Le but de la bourgeoisie, c’est abolir le taux de conversion fixe – selon elle encore trop politique − parce qu’il donne de la visibilité à la rente et limite les dégâts sociaux perpétrés par la course au profit des tenants de la propriété lucrative.

Un taux de conversion fixe suggère l’idée d’un salaire à vie. Il rétablit la visibilité et la fonction du salaire. Le véritable enjeu pour un taux de conversion stable est la part de profit métamorphosé en rente, donc de nouveau visible. La forme rente permet de reconstruire la fonction du salaire dans d’autres conditions que l’emploi capitaliste.

Le taux de conversion résultera d’une lutte sans concession. Que certains se déclarent déjà prêts à le négocier revient à accepter la défaite sans combattre, c’est accepter qu’à terme le taux de conversion fixe devienne flexible et, dans la foulée, c’est accepter l’abandon de tout
taux et livrer les rentes au chantage économico capitaliste le plus absolu.

13. Que devient le capital accumulé ?

Que le taux de conversion fixe soit déterminant pour la rente ne répond toujours pas à la question « où va le capital ? ». On sait qu’il vient d’un rapt de classe, une interminable période d’accumulation forcée ; on sait que la stratégie social-démocrate, c’est-à-dire abandonner la lutte pour son contrôle, serait pure couardise. Que ce capital résulte d’énormes sacrifices de salariés souvent surexploités devrait tous nous concerner. On sait maintenant plus ou moins ce qu’on « gagne » avec cette accumulation, on ne sait pas à qui elle profitera le jour où le propriétaire théorique, le rentier, quitte ce monde.

Le capital primitivement amassé lors des années d’accumulation est toujours là ; même après le décès de l’assuré il continue d’être augmenté de la part du profit lié à son capital, mais à part quelques avatars limités dans le temps toutes les rentes cessent d’être versées, ce qui dope la profitabilité du capital accumulé. Le capital meurt-il avec son propriétaire ? Bien sûr que non. Cesse-t-il d’être légalement dû ? « Oui, diront certains, son reliquat doit rester acquis aux institutions qui l’ont plus que mérité en assumant tous les risques qui assurent le versement régulier des rentes ». Est-ce vraiment méritoire de prendre tous les risques avec l’argent des autres ?

L’essentiel est systématiquement oublié : si le propriétaire d’un capital meurt, son argent ne meurt pas. Il continue de « travailler ». Les interrogations fusent alors : « L’avoir vieillesse reste acquis aux institutions qui l’ont géré pendant de longues décennies » diront certains. « La famille en hérite » penseront d’autres. « Le conjoint, les orphelins, les enfants en étude jusqu’à 25 ans héritent du capital » affirmeront les plus naïfs. La possibilité existe, mais ces coûts sont assumés par un autre fond que « l’avoir vieillesse » individuel. « Il reste sous le contrôle des fondations qui l’ont jusqu’alors géré » sera le constat final. Peut-être, mais cela ne dit rien sur la question « qui hérite du capital accumulé au nom des assurés décédés ? » Cela confirme que le deuxième pilier est un capital de seconde zone.

Les « avoirs vieillesse », en réalité le capital accumulé, n’est pas amputé des rentes versées aux titulaires, celles-ci résultent d’une part du profit fait avec le capital de l’assuré, elles résultent d’un engagement social : d’un côté le salarié qui, 40 ans durant, ampute son salaire pour accumuler du capital, de l’autre les financiers gestionnaires des comptes individuels qui sont censés produire du profit. Le moment de la retraite venu, la part du profit garanti à l’assuré (aujourd’hui 6,2% du capital accumulé) ne s’ajoute plus au capital accumulé, il paie la rente.

Cela ne signifie cependant pas que tout le profit soit affecté au paiement des rentes. L’essentiel (certains parlent de l’objectif 15%) continue d’alimenter le capital. Celui-ci bien qu’orphelin de son propriétaire originel, la personne qui 40 ans durant a amputé son salaire pour constituer son capital, a vite trouvé un oncle d’Amérique anonyme prêt à prendre la fonction et les modestes avantages de « propriétaire ». Tout capital doit avoir un propriétaire. Tout le monde pense alors qu’en désespoir de cause lorsque le rentier décède son capital sera crédité aux héritiers.

Ce n’est pas ce qui se passe. Certains droits (rentes orphelins, étudiants, veufs) subsistent comme autant d’avatars limités dans le temps, mais les délais écoulés, le capital du deuxième pilier ne doit plus rien à personne, aucune famille ne peut prétendre au moindre kopeck, aucun droit sur le capital qu’elle a co-accumulé pendant de longues années de privation ne leur est dû. Tout se passe comme si le capital disparaissait avec le décès du titulaire du compte. Où va-t-il ? Pourquoi une telle différence de traitement entre le capital « normal », qui atterrit automatiquement dans les mains des héritiers, et celui accumulé sous la contrainte du deuxième pilier ? Pourquoi celui-ci est-il lié à la personne et disparaît avec elle, alors que celui-là a sa propre existence et procure un profit renouvelé à perpétuité ?

Contrairement à ce qui se fait dans les cas où la propriété ouvre des droits d’héritage à la descendance familiale, bien qu’entièrement ponctionné sur les salaires, l’argent des « avoirs vieillesses » disparaît dans les nimbes de la finance… Sur ces questions l’opacité est totale.

14. Que deviennent les profits de nos « avoirs vieillesse » ?

Dans le cas de l’AVS tout est clair ! Calculée en pourcent des salaires la cotisation est versée par chacun dans une caisse commune. Les rentes
ne dépendent pas d’un capital accumulé, mais elles sont payées avec les cotisations courantes. Cela n’interrompt pas le flux de l’économie réelle, au contraire, cela le développe, l’argent des cotisations AVS sert à développer des activités sociales voulues par les peuples.

Dans le cas du deuxième pilier, les futurs rentiers doivent endosser un habit de petits capitalistes. Chaque franc accumulé provient d’une
amputation autoritaire sur les salaires. Cet argent est ensuite métamorphosé en capital qui devra être nourri en profit. Tous les francs ainsi soustraits des salaires deviennent des instruments de spéculation ; à la place de développer les activités sociales qui satisfassent les vœux
des populations, ils les entravent.

15. Une interminable attente

Les titulaires d’un compte deuxième pilier, d’un « avoir vieillesse » dit-on, devront attendre jusqu’à 40 années, les 65 ans de l’âge de la retraite qui ouvrent leur droit à la rente. Ils se retrouvent alors devant un choix, ou plutôt un chantage cornélien : soit retirer tout ou partie de leur capital, le gérer soi-même, donc être seul à supporter les risques ; soit prendre leur rente, 6,2% du capital accumulé, mais priver ses héritiers (conjoints et enfants) de tout droit sur ce capital, cela bien qu’ils aient aussi dû supporter les sacrifices de salaires fortement amputés pendant toute la période d’accumulation.

Des décennies durant, le capital accumulé dans les deuxièmes piliers fonctionne comme tout autre capital, il court après les bonnes affaires. Le produit de cette course, le profit, n’est cependant pas crédité aux différents « avoirs vieillesse », il continue sa course folle dans la sphère financière, mais au nom de la banque ou des institutions financières qui le font « travailler ». Cela signifie que tout le profit réalisé durant les 30 à 40 années de la période d’accumulation forcée de capital est détourné. Où ? Dans les écritures comptables ? Impossible de le savoir.

Pendant toute la période d’accumulation (jusqu’à 40 ans) des « avoirs vieillesse », les milieux financiers gestionnaires n’ont qu’une seule obligation, créditer un petit intérêt, maximum 1 à 2%, sur les comptes qu’ils administrent. A part cette obligation tout le profit, réalisé pendant les dizaines d’années d’accumulation forcée, continue sa course dans la stratosphère financière. Seules les pertes dues aux chutes des cours laissent apparaître des diminutions des avoirs dans les comptes victimes. Neuf cent nonante neuf cas sur mille les titulaires des comptes n’y voient que du feu, les victimes accusent la fatalité, elles pleurent sur leur impuissance et « le système » mal fait, contre qui on ne peut rien… du pain béni pour l’extrême-droite.

Quant aux profits, ils ne sont pas où l’on croit, ils sont bien visibles, mais ils aveuglent et font rêver tout le monde lorsque les augmentations de fortune des super riches et de leurs hommes ou femmes de mains, les gestionnaires de la haute finance, sont annoncés dans la grande presse et les journaux télévisés.

Ce qui est sûr, c’est que pendant les 30 à 40 années d’accumulation des « avoirs vieillesse » le système financier fait travailler le capital des autres en son nom propre. Année après année il se crédite le profit réalisé. Pour le système financier l’argent géré dans le cadre du deuxième pilier correspond à des fonds propres, il lui permet de démultiplier les capitaux sans couverture qu’il gère. Seul un intérêt ridiculement bas par rapport aux profits réels est crédité aux différents comptes du deuxième pilier.

16. Le statut juridique du propriétaire

Le capital du deuxième pilier a ouvert une nouvelle porte au statut du propriétaire. On connaissait le statut « normal » de la propriété lucrative
qui protège de génération en génération la propriété des dynasties familiales les plus fortunées. Selon ce statut les fortunes amassées restent dans le cercle familial, cela garantit et maintient une mainmise éternelle sur l’essentiel des profits réalisés de par le monde. Le statut
du propriétaire capitaliste reproduit ad aeternam la classe dominante.

Le capital du deuxième pilier est plus que particulier, il ne reste pas génération après génération dans le giron familial. Lorsque le titulaire d’un « avoir vieillesse » meurt, tous les droits de succession de sa famille deviennent de plus en plus flous jusqu’à complètement disparaître.

Pourtant tous les membres des familles participent aux sacrifices liés aux 40 ans de ponctions mensuelles faites en plus de l’AVS sur le ou les salaires familiaux. Dans le cas du deuxième pilier, le ou les capitaux accumulés dans les différents comptes disparaissent dans la sphère
financière comme dans un tombeau. Pourtant, si les détenteurs des comptes meurent le capital reste vivant. Le profit, qu’il soit réel, fruit de l’exploitation de travailleurs, ou parasite, fruit de spéculations, continue d’augmenter tant la masse globale de capital que la contradiction que cela représente : l’activité sociale qui a ses limites doit nourrir un capital qui n’en a pas.

17. Une porte de sortie existe-t-elle ?

Non, certainement pas dans le cadre socio-politique actuel commandé par le profit. Oui, certainement dans le cadre d’une stratégie révolutionnaire liant le court et le long terme et mettant en avant nos propres fondamentaux : notre rapport au travail, un statut du producteur libéré de l’exploitation et du vol capitaliste, nos formes de propriété, etc.

Suite à discuter et à écrire après un premier « bain » de foule tant sur le plan de l’éducation populaire que sur le plan de la stratégie
politique.

Août 2017 – Christian Tirefort, accompagné et aidé par les discussions régulièrement menées avec des camarades affiliés à divers groupements
militants, notamment le Réseau Salariat branche Suisse.

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