travail et salariat

Critiquer la société capitaliste, c’est bien, réclamer un autre monde possible, c’est légitime, mais tout cela restera incantatoire si nous ne disons pas ce que cet autre monde sera.

Site créé par Christian TIREFORT et Eric DECARRO pour publier leurs analyses, il accueille également celles de la branche suisse du réseau salariat. Le premier en fut le président jusqu’à son décès survenu le 14 décembre 2022.

Grève des Transports publics genevois

Leur lutte est aussi la nôtre

lundi 15 décembre 2014

La question des transports publics est d’une brulante actualité dans pratiquement tous les centres urbains, que ce soit sur le plan des conditions de travail du personnel assurant le service que du prix payé par les usagers. Rappelons les prémisses de la grève. Le peuple de Genève avait à deux reprises refusé des augmentations de tarif, ce que la droite n’avait guère goûté. Pour se venger, celle-ci n’a rien trouvé de mieux que de s’attaquer au personnel assurant ce service à la population. Il a entre autres annoncé un plan prévoyant des fermetures de lignes, la suppression de certaines primes, des licenciements, 130 postes de travail en moins.
La riposte du personnel a été exemplaire : 24 heures de grève suivie à 100%. Le Mouvement vers la Révolution citoyenne (MvRC) a publié le texte ci-dessous.

Oui, lorsqu’ils s’y mettent, les travailleuses/travailleurs sont admirables de courage et de ténacité. Oui, il faut un redémarrage des luttes pour préserver ce qui reste des services publiques que nous avons construits pendant les « Trente Glorieuses ».

Ne soyons pas dupes

Transports publics genevois, TPG. Derrière ces trois mots apparemment neutres, il y a le mot « public » qui donne la qualité. « Service destiné au public », à tout le public, pas seulement à ceux qui pourraient payer plus cher. Les citoyennes/citoyens de Genève ont encore renforcé cette notion en votant à deux reprises contre des hausses de tarif.

Nous ne sommes pas des imbéciles, nous savions pertinemment que s’il le fallait, l’Etat devrait accorder une subvention couvrant d’éventuels déficits. Mais nous n’avons jamais pensé que nos élus au Grand Conseil allaient majoritairement transformer la volonté citoyenne en une attaque en règle contre le personnel TPG, promettant de biffer 130 emplois dont plus de 60 licenciements et refusant d’entrer en matière sur les conditions de travail, notamment en matière d’aménagement des heures de conduite des véhicules.
Y a-t-il un enjeu caché, bien plus politique que la gestion des transports publics ?

L’enjeu

Il faut tout d’abord constater une chose. En tant que citoyennes/citoyens nous avons mis du temps avant de faire la différence entre l’emploi dans une entreprise privée et un emploi dans la fonction publique. Nous avions dans les deux cas un salaire qui nous permettait de vivre. Nous ne chipotions pas sur les « détails », par exemple la sécurité de l’emploi qu’offrait la fonction publique.

Nous étions certes quelques-uns à nous interroger : par exemple pourquoi ceux qui se déclaraient « libéraux » prétendent-ils que l’infirmière de l’hôpital public serait improductive, représenterait un coût, alors que l’infirmière d’un hôpital privé serait productive. « Les deux font pourtant le même travail et aboutissent au même résultat, du bien-être » pensions-nous.

Pour comprendre, il fallait vraiment chercher la petite bête. La différence était indécelable dans le travail lui-même et son résultat. Où pouvait-elle se trouver ? « L’Etat ne fait pas de profit, ce n’est pas sa fonction » dit-on. Il ne travaille donc pas pour faire de l’argent. La petite différence était là : l’entreprise privée fait du profit, pas l’entreprise publique.

Mais par quel miracle peut-on faire du profit avec le même travail ? La réponse s’impose lentement à notre incrédulité : les uns exploitent leur personnel et n’accueillent que les malades rentables, celles/ceux qui peuvent se payer les multiples suppléments d’assurance. Les autres, les non rentables, sont envoyés aux hôpitaux publics.

L’enjeu, c’est donc le profit, pas la qualité des prestations, et l’enjeu c’est aussi la société à deux vitesses, un racisme social. Les riches ne veulent pas se mélanger aux pauvres, voilà tout.

Le dilemme s’éclaircit

C’est donc pour cela que depuis maintenant 30 ans les libéraux s’attaquent méthodiquement à certaines institutions d’Etat et leur personnel ? Oui, c’est pour cela.
On peut mettre l’employé des TPG, le cheminot, le mécanicien, l’enseignant, le nettoyeur à la place de l’infirmière, le principe reste le même : il y a volonté de privatiser pour ouvrir des nouvelles occasions de faire des profits et pour briser le « privilège » des fonctionnaires d’avoir une relative sécurité de l’emploi. Depuis plus de trente ans les libéraux font une guerre à l’emploi sécurisé pour accentuer l’emprise du capital sur le travail.

Les TPG

Mais comment cela s’applique-t-il aux transports publics ? Pour éviter des « mouvements sociaux », pour commencer seules certaines lignes ont été ouvertes à l’actionnariat. Les lignes les plus rentables sont maintenant dans le collimateur.

La volonté manifeste de la droite de s’attaquer au personnel en distillant le chantage à l’emploi prépare le terrain pour aller plus loin. Le but, c’est de rompre le lien entre les travailleuses/travailleurs TPG et leur entreprise, ce qui mènerait à leur division et les désaffuterait. Ce processus est malheureusement bien entamé partout en Suisse. La grève et la détermination des travaillleuses/travailleurs des TPG inverseront peut-être le courant.

L’actionnariat : une entreprise de dépossession

Etre ouvert à l’actionnariat, c’est quoi ? Lorsqu’on parle de transports publics, cela sous-entend que l’entreprise elle-même appartient au public, elle est un bien d’Etat, un bien commun. L’ouvrir à l’actionnariat signifie privatiser un bien public, le vendre, plutôt le brader progressivement à des actionnaires qui exigeront du profit, toujours plus de profit. Pour faire passer la pilule, on commence à admettre que l’Etat doit conserver la majorité des actions, ou tout au moins une minorité de blocage. Jusqu’à quand ? C’est là que la dette entre en scène.

La droite clame à tout vent : « il faut diminuer la dette ». Suivez-nous bien, diminuer la dette signifie vendre ses biens, qu’il ne reste que la dette, et lorsqu’il ne restera que la dette, ce sont les prestations sociales qu’il faudra rogner. La dette, c’est en gros les gains des actionnaires. En bradant nos biens communs, nous remplissons leurs poches, mais nous augmentons la dette.

Les parasites finissent toujours par épuiser ce qui les nourrit. Nous ne sommes plus très loin du point de non-retour. Il faut se défendre. C’est ce que font les travailleuses/travailleurs des TPG, ils défendent notre bien, un bien citoyen. Soutenons-les, leur lutte est aussi la nôtre.