travail et salariat

Critiquer la société capitaliste, c’est bien, réclamer un autre monde possible, c’est légitime, mais tout cela restera incantatoire si nous ne disons pas ce que cet autre monde sera.

Site créé par Christian TIREFORT et Eric DECARRO pour publier leurs analyses, il accueille également celles de la branche suisse du réseau salariat. Le premier en fut le président jusqu’à son décès survenu le 14 décembre 2022.

Austérité sans fin pour le peuple, cadeaux fiscaux pour les nantis

mercredi 25 novembre 2015 par Eric Decarro

Le gouvernement genevois vient d’annoncer une série de mesures d’économies pour le budget 2016, doublées de « mesures structurelles » pour les 3 prochaines années. Celles-ci nous précipiteraient dans une spirale d’austérité.

Le prétexte ? Il n’y a plus d’argent à Genève. Les salariés de la fonction publique sont « une charge » trop lourde. L’Etat est en déficit. Et l’on ose invoquer cela dans l’une des villes les plus riches du monde abritant un nombre croissant de milliardaires, sans compter les multi-millionnaires !

Toutes les mesures envisagées sont des coupes dans les dépenses. Le Conseil d’Etat propose à nouveau 140 millions d’économies en 2016. De plus, il envisage de réduire la masse salariale et les dépenses générales de 5 % dans les 3 ans à venir. Il appelle aussi toutes les institutions et associations subventionnées à se préparer à une diminution de 5 % de leurs subventions.

A travers les mesures qui frappent les effectifs et les conditions de travail des salariés de la fonction publique et la réduction des dépenses générales de l’Etat, le gouvernement s’attaque aux prestations à la population, à notre bien commun : la santé, l’éducation, la protection sociale ou environnementale, la sécurité, la culture, le vivre ensemble qu’incarnent les associations, l’administration même.

Le vocabulaire n’est pas neutre : le gouvernement parle de diminuer « la charge du personnel » de 5 % dans les 3 ans. On sous-entend par ces termes comptables que les salariés du public constituent un coût et sont improductifs. Voire même qu’ils vivent aux crochets du secteur privé considéré comme seul producteur de valeurs. C’est un pur mensonge !

Les salariés de la fonction publique produisent des prestations, de la santé, de l’éducation etc. Qu’ils soient payés par l’impôt ne change rien au fait qu’ils produisent des richesses, donc un équivalent pour leur salaire. La principale différence avec les salariés du privé, c’est qu’ils ne produisent pas de profit et ceci est insupportable pour les milieux dominants ! Pour eux, tout emploi devrait être soumis à la loi du profit, raison pour laquelle ils s’efforcent de privatiser les activités de l’Etat, après y avoir introduit des formes de management calquées sur celles du privé.

Par ailleurs, la majorité de droite du parlement (PLR, PDC, UDC, MCG) vient de voter, contre l’avis du gouvernement, une loi calamiteuse dite « Personal Stop ». Cette loi bloque toute augmentation du nombre global de postes dans la fonction publique, tant que la dette de 13 milliards n’aura pas été réduite à 8 milliards. Pour créer des postes de policiers, il faudra dès lors supprimer des postes d’enseignants, de soignants, d’éducateurs, etc. Il est bien prévu une clause permettant d’augmenter le personnel de 0,5 %, mais à condition que cela soit voté par 2/3 du parlement. Autant dire mission impossible dans les rapports de force actuels !

Ce « Personal Stop » est un mécanisme pervers qui suppose des coupes ad aeternum dans les dépenses de l’Etat, les emplois, les conditions de travail du personnel et les prestations à la population. Comment répondre dans ces conditions aux nouveaux besoins, à l’augmentation de la population du canton, à celle des enfants à scolariser, au vieillissement de la population ? Quels débouchés pour les jeunes dans toute une série de formations ? Quant à la dette, bien loin de diminuer, elle augmentera car ce mécanisme nous projette dans une spirale d’appauvrissement de la société, tandis qu’une infime minorité continuera de s’enrichir.

Aucune mesure ne s’attaque en effet aux hauts revenus et à la fortune. Depuis 1999, les baisses d’impôts exigées par les partis de droite ont privé le canton de plus d’un milliard de recettes fiscales annuelles, avec ce résultat que la dette du canton est passée de 4 milliards en 1990 à 13 milliards aujourd’hui. Ces baisses d’impôts ont principalement profité aux résidents les plus riches. Cet argent n’a pas seulement été consacré à des dépenses de consommation somptuaires. Certains, auparavant débiteurs de l’Etat en sont devenus créanciers ; ils ont acheté de la dette ; ils se sont ainsi arrogé un droit sur nos impôts futurs sous forme d’intérêts. D’autres ont placé cet argent sur les marchés financiers.
Résultat : d’un côté, en réduisant le personnel de la fonction publique, on détruit de la richesse, de l’autre en diminuant les impôts des ultra-riches ou des entreprises, on grossit la masse de capitaux spéculatifs qui mine l’économie réelle et s’attaque aux emplois, aux salaires ou aux services publics.

Pour couronner le tout, le gouvernement prépare un nouveau cadeau fiscal en faveur des entreprises, à savoir une diminution des recettes annuelles de 700 millions avec la baisse du taux d’imposition cantonal sur les bénéfices des entreprises auquel s’ajoutent diverses réductions d’impôts contenues dans la réforme 3 de la fiscalité des entreprises au niveau fédéral.

En même temps, à Berne, la droite verrouille le secret bancaire pour les résidents de ce pays, couvrant ainsi la fraude fiscale pratiquée par les milieux privilégiés, avec ses retombées, le blanchiment d’argent sale, voire le financement d’activités criminelles.

Il serait temps de faire prévaloir l’intérêt public sur les intérêts privés. La grève de la fonction publique, plus que justifiée, crée un appel d’air bienvenu pour d’autres solutions, s’inscrivant dans un autre projet de société.

Eric DECARRO